Bullet Journal : mode d’emploi
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Je travaille à 100% en Argovie et j'habite dans le Bade-Wurtemberg. Avant Corona, je ne pratiquais le télétravail que de manière sporadique. Pendant la pandémie, j'y ai pris tellement goût que je travaillerais volontiers 4 jours sur 5 à la maison. Comme le font beaucoup de mes collègues* suisses.
Mais mon chef ne veut pas m'accorder plus d'un jour. C'est terriblement compliqué pour les frontaliers*. A-t-il raison ?
Meike P.
Le home-office des frontaliers* soulève une question fondamentale : quel pays applique le droit en matière d'impôts, d'assurances sociales et de for juridique ? Cela dépend fortement de la durée du home-office et de l'activité qui y est exercée. C'est pourquoi de nombreux employeurs sont prudents quant à la quantité de home-office qu'ils autorisent aux frontaliers.
Tant que Meike ne travaillait que quelques jours à domicile en Allemagne, elle était soumise au droit des assurances sociales de son lieu de travail, c'est-à-dire la Suisse. Mais à partir de deux jours de home-office, cela changerait. En effet, si les frontaliers des pays de l'UE et de l'AELE travaillent à plus de 25% dans leur pays de résidence, leur salaire est soumis au droit des assurances sociales de ce pays.
Les cotisations aux assurances sociales devraient donc être versées par Meike et son employeur en Allemagne. Cela peut être un avantage ou un inconvénient pour les deux parties.
Comme il n'était pas possible de travailler autrement qu'en home-office pendant la pandémie en raison des lockdowns et des recommandations de home-office, cette réglementation n'a pas été appliquée. Les frontaliers* des pays de l'UE et de l'AELE qui exerçaient temporairement leur activité depuis leur pays de résidence restaient soumis à la législation suisse en matière de sécurité sociale.
Cela continuait d'être le cas jusqu'au 30 juin 2023.
Entre-temps, la Suisse a signé un accord avec divers Etats qui autorise le home-office jusqu'à 50% (au maximum 49,9% du temps de travail) en ce qui concerne les assurances sociales, comme c'était le cas pendant la pandémie. La compétence en matière d'assurances sociales reste donc en Suisse jusqu'à ce taux d'activité.
L'accord a été signé par nos pays voisins, l'Allemagne, la France, l'Autriche et le Liechtenstein, ainsi que par d'autres pays de l'UE et de l'AELE comme la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne ou l'Espagne.
Si une frontalière effectue une part importante de son travail en home-office, il existe un for impératif à son domicile. Selon la doctrine courante, une part importante est d'environ 60%.
Ainsi, si Meike travaillait trois ou quatre jours en Allemagne dans un home-office, son lieu de résidence serait le lieu de juridiction en cas de litige relevant du droit du travail.
En vertu du droit international, Meike et son employeur ont toutefois la possibilité de continuer à soumettre le contrat de travail au droit suisse.
Si certaines conditions sont remplies, le home-office d'une frontalière peut devenir un établissement stable d'une entreprise suisse à l'étranger. Cela aurait des conséquences fiscales pour l'entreprise. Elle serait assujettie à l'impôt à l'étranger.
Les conditions pour qualifier un home-office d'établissement stable sont multiples :
la jurisprudence estime que l'activité de l'entreprise doit être exercée pendant au moins douze mois.
Le patron de Meike a raison : les frontaliers et le home-office sont des sujets compliqués sur le plan juridique. Mais comme il est injuste que les employés domiciliés en Suisse puissent travailler davantage en home-office que les frontaliers*, il est recommandé à Meike de chercher le dialogue avec son patron. Si l'employeur clarifie tout et règle clairement le home-office, Meike devrait elle aussi pouvoir travailler plus d'un jour à domicile.