Empreinte carbone et travail

Pourquoi les entreprises suisses ont-elles intérêt à connaître leur empreinte carbone ?
Laetitia Rusca est cheffe de projet chez Climate Services et nous donne ses explications.

Quels défis écologiques doivent relever aujourd’hui les entreprises suisses ? Pionnière dans la matière, Climate Services compte aujourd’hui des clients comme la Patrouille des Glaciers, Liebherr ou Tornos.

 

 Laetitia, tu travailles chez Climate Services depuis maintenant 2 ans. Comment expliquer ce qu’est une planification des émissions CO2 ?

Tout individu ou organisation émet des émissions directes (ex : consommation d’essence pour ses déplacements ou de mazout/gaz pour son chauffage) mais également des émissions indirectes (ex : l’impact de l’achat d’un t-shirt est la somme de toutes les consommations d’énergie nécessaires pour sa production, pour son approvisionnement, pour sa vente mais également pour son traitement en tant que déchet).

La planification des émissions de GES permet donc d’établir un plan d’action à long terme pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. Une fois son empreinte carbone réalisée, il s’agit de mettre en lumière toutes les mesures de réduction possibles, de quantifier leur impact, de les planifier dans le temps selon leur priorité mais également selon leur coût d’investissement.

Toutes ces actions doivent permettre d’atteindre les objectifs fixés préalablement qui devraient respecter ceux de l’Accord de Paris*, selon lequel nous devons tout mettre en œuvre pour limiter le réchauffement climatique global à 1.5° par rapport aux niveaux préindustriels (1850-1900).

 

Ton entreprise est implantée depuis plus de 10 ans en Suisse romande, à Fribourg, et pionnière dans le domaine : pourquoi est-ce un secteur qui se développe particulièrement ?

Les besoins d’accompagnement ont largement augmenté ces deux-trois dernières années en raison des nouveaux objectifs définis dans la loi voté en juin 2023 (LCI), selon lesquels la Suisse doit réduire ses émissions de 50% en 2030 par rapport à 1990 et à net zéro en 2050.

De plus, l’engagement des grandes entreprises a également eu un impact non négligeable sur le marché. En imposant à leur fournisseurs un engagement de réduction, cela a créé un effet boule de neige dans tous les secteurs et ainsi une forte prise de conscience.

Enfin, les PME n’ayant pas les ressources ou les compétences internes nécessaires pour quantifier et gérer le CO2, elles font appel à nos services.

 

Où se situe la Suisse dans le domaine par rapport à la concurrence internationale ?

En Suisse, nous avons déjà atteint un réchauffement de 2.8° degrés de réchauffement en Suisse par rapport à la moyenne préindustrielle, dont 2.7° depuis 1960. Le réchauffement est plus marqué en Suisse en raison de notre situation géographique.

C’est probablement pourquoi nous sommes l’un des premiers pays à avoir inscrit des objectifs de réduction dans la loi.

Il est toutefois important de préciser que lorsque nous parlons de nos émissions nationales, seules les émissions internes (émises sur notre territoire) sont prises en compte. Nous émettons deux fois plus de CO2 à l’étranger par nos importations et nos investissements.

 

J’imagine que vous avez un succès grandissant. Quel type de clientèle avez-vous en général ? Y a-t-il un profil d’entreprise ou d’organisation en particulier ? Qui sont ou pourraient être vos clients potentiels ?

Effectivement, depuis quelques années, nous ressentons des changements liés aux contraintes du marché, mais aussi à la prise de conscience de certains dirigeants qui ont la volonté de comprendre comment diminuer l’impact de leur entreprise sur le réchauffement climatique.

Nous travaillons majoritairement pour des entités privées, qui sont composées principalement de PME mais également pour des groupes internationaux, et les collectivités publiques.

L'accord de Paris

Proposition :

Traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques, adopté par 196 Parties lors de la COP 21, en 2015. Il est entré en vigueur le 4 novembre 2016.

Son objectif principal est de maintenir l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et de continuer à s'efforcer de limiter cette augmentation à 1,5°C, limite considérée comme acceptable en termes de conséquences sur la planète.

"Depuis quelques années, nous ressentons des changements liés aux contraintes du marché, mais aussi à la prise de conscience de certains dirigeants qui ont la volonté de comprendre comment diminuer l’impact de leur entreprise sur le réchauffement climatique."

Laetitia Rusca Climate Services

Concrètement, quels types d’offres propose Climate Services et quelle est la plus-value que cela peut apporter à l’entreprise qui y a recours ?

Nous sommes spécialisés dans la gestion du CO2. Notre mission est de rendre les organisations actrices de la transition vers une économie bas-carbone en les sensibilisant sur leur impact climatique.

De l’établissement du bilan carbone (comptabilité des émissions de GES), à la planification des mesures de réduction à long terme en passant par la définition des objectifs de réduction, Climate Services offre un accompagnement complet dans la décarbonation d’une organisation. Il nous arrive aussi fréquemment d’être mandatés pour des projets différents mais toujours liés au CO2.

Lutter contre le changement climatique fait parti du 13ème objectif des 17 ODD qui doivent être atteints par tous les États membres de l’ONU d’ici à 2030. Il ne s’agit donc plus d’anticipation mais de nécessité d’action. La participation des entreprises dans la décarbonation est essentielle pour atteindre les différents objectifs évoqués ainsi que l’objectif Net zéro en 2050.

 

C’est parfois difficile de suivre le « bon » chemin. Selon toi, par quels gestes simples une entreprise peut-elle commencer à conscientiser son empreinte carbone ?

En établissant son bilan carbone. L’approche est similaire à celle d’une comptabilité financière. Il est difficile de mettre en place une stratégie et de définir des objectifs si on ne connaît pas son point de départ.

A part certains profils types d’entreprise de services qui donnent lieu à une répartition des émissions assez standard (majorité des émissions provenant du chauffage et de la mobilité professionnelle et pendulaire), il est essentiel d’établir une comptabilité des émissions de GES afin de définir les priorités (quelles sont les principales sources d’émissions), de comprendre les leviers d’action mais également de mesurer régulièrement l’impact des actions mises en place et ainsi vérifier l’évolution des émissions.

Sans bilan carbone, toute société peut déjà analyser et optimiser les postes liés à l’énergie (chauffage, électricité, eau) mais également s’intéresser à la gestion de la mobilité professionnelle/pendulaire et de ses déchets.

 

Travailler au sein d’une entreprise qui effectue des bilans carbones influence-t-il ton quotidien personnel dans certaines situations également ?

C’est certain. Il est clair que j’ai beaucoup plus conscience des conséquences de mes décisions, que ce soit sur l’alimentation, la mobilité, la consommation, mes hobbys.

 

On se rend bien compte de l’inévitabilité du réchauffement climatique. A titre individuel, aurais-tu des recommandations pour les employé-es qui seront coincés au bureau cet été ?

Le mieux est de s’informer. Il existe de nombreux documentaires très intéressants et non soporifique (promis) à condition de vouloir s’éveiller. Il est bien plus aisé de changer de comportement quand on est convaincu et renseigné que lorsqu’on nous le suggère.

La conscience écologique est une forme d’éducation et fonctionne comme telle. Je me souviens, petite, mes parents me pressaient pour que je termine plus rapidement ma douche sous prétexte que je gaspillais l’eau. Il a fallu que je comprenne ce qu’était l’eau, d’où elle provenait et comment étaient réapprovisionnées les nappes phréatiques pour que j’applique ce concept.

Pour finir, je terminerais avec un passage que j’ai pu entendre sur un podcast de Guillaume Pley avec Hugo Clément : "La responsabilité du réchauffement climatique ne repose pas uniquement sur les individus. Ils peuvent bien entendu changer leur mode de vie et leur comportement de consommateur, mais cela ne suffira pas. Il faut des changements au niveau étatique, législatif, et au niveau des entreprises."

Le changement individuel reste important mais il faut éviter la course à la pureté écologique qui consiste à dire que seules les personnes qui seraient exemplaires ont le droit de parler d’écologie. Personne n’est exemplaire. Les gens ne fonctionnent pas à la culpabilité. Il faut encourager toutes les démarches qui vont dans le bon sens. »

Vous pouvez donc également vous inspirer des actions d’autrui (seulement les bonnes), même s’ils ne font pas tout juste.

 

Merci infiniment pour ton temps, Laetitia, nous souhaitons le vent en poupe à Climate Services.

A propos de l’entreprise

Climate Services est une entreprise pionnière de la quantification et planification des émissions CO2 en Suisse. Fondée par Werner Halter en 2013, Climate Services a accompagné des centaines d'organisations dans la réduction de leurs émissions CO2. 

Par le biais d'un tissu de partenaires actifs dans toute la Suisse, Climate Services propose ses compétences allant du simple conseil à une stratégie complète sur la thématique du CO2 et du développement durable, dans des domaines différenciés tels que l'élaboration de bilans CO2, la réalisation de stratégies de réduction CO2 ainsi que l'accompagnement des organismes dans diverses certifications et labellisations. 

Auteur-e

Anne-Valérie Geinoz

Anne-Valérie Geinoz

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