Votre employeur peut-il vous obliger à vous vacciner contre le COVID-19 ?
Fin décembre 2020 à la suite de l’approbation d’un premier vaccin par Swissmedic, la campagne de vaccination contre le COVID-19 était lancée en Suisse. Les coûts de la vaccination seront assumés par la Confédération, les cantons et les assurances obligatoires des soins. Elle est donc gratuite pour la population et n’est soumise ni à la franchise, ni à la quote-part.
Priorité aux personnes vulnérables
Le Conseil fédéral n’a pas à ce jour pas prévu de rendre la vaccination obligatoire pour la population et laisse à chacun-e le choix de se faire vacciner ou non. Des recommandations ont toutefois été émises en la matière. La Confédération a en effet réservé les premières doses de vaccins pour des groupes-cibles. L’ordre de priorité de la vaccination est le suivant : tout d’abord les personnes vulnérables (Adultes ≥ 65 ans Adultes < 65 ans avec maladies préexistantes), puis le personnel de santé au contact de patients et le personnel d’encadrement des personnes vulnérables, puis personnes en contact étroit avec des personnes vulnérables (adultes membres du même ménage), puis les adultes de < 65 dans des structures communautaires présentant un risque accru d’infection et de flambées et pour terminer les autres adultes.
Par la vaccination contre le COVID-19, le Conseil fédéral souhaite remplir trois objectifs : diminuer le fardeau de la maladie, notamment des formes graves et des cas mortels de COVID-19, maintenir les capacités du système de santé, réduire les conséquences sanitaires, psychique, sociales et économiques négatives de la pandémie.
Votre employeur souhaite imposer une obligation de vaccination dans l’entreprise, le peut-il, notamment en vertu de son droit d’injonction ?
L’obligation de vaccination est possible
En Suisse, selon la loi sur les épidémies (LEp), la Confédération ou les cantons peuvent déclarer une vaccination obligatoire pour certains groupes de la population dans des situations particulières (Art. 6 et 22 LEp). La LEp n’accorde aucune prérogative en la matière aux employeurs.
L’employeur peut établir des directives générales sur l’exécution du travail et donner des instructions particulières (Art. 321d al. 1 du Code des Obligations (CO)). Les directives générales relatives à la conduite concernent entre autres les aspects de la sécurité et de la santé. Elles doivent être en lien avec la relation de travail. Les employé-e-s sont en principe tenues d’observer les directives générales de l’employeur selon les règles de la bonne foi. L’employeur, quant à lui, est limité dans les directives qu’il peut ordonner en particulier par le contrat et son obligation de protéger la personnalité de l’employé-e.
Dans le cas présent, l’employeur a intérêt à ce que l’ensemble de ses collaborateurs collaboratrices soient en bonne santé. Rappelons qu’en vertu de son devoir de protection, il doit s’assurer du bien-être physique et psychique de son personnel. Selon les cas, la vaccination peut aussi servir à protéger ses clients ou des tiers. Cela justifie-t-il le fait d’imposer à ces employé-e-s de se faire vacciner ?
Une atteinte à la liberté personnelle
La question doit être examinée sous l’angle des critères de nécessité et de proportionnalité. L’obligation de vacciner représentant une atteinte importante au droit à l'intégrité physique qui est un droit fondamental en tant qu'aspect de la liberté personnelle, elle ne saurait être admise facilement. Si le risque de contamination peut être évité par d’autres mesures plus légères (mesures d’hygiène et de distance, campagne d’information, réaffectation de l’employé ne souhaitant pas être vacciné à une autre fonction, etc), l’employeur est tenu d’y avoir recours en priorité. Une obligation générale de vacciner l’ensemble des employé-e-s est considérée comme disproportionnée et donc inadmissible.
Certains juristes proposent aux employeurs de contourner les obstacles juridiques à une injonction unilatérale en procédant par le biais d’une modification du contrat, c’est-à-dire par un congé-modification. Comme celle-ci doit être contresignée (au risque de perdre son emploi), cela permettrait, selon ces juristes, de se prévaloir ensuite du consentement de l’employé-e à la mesure. Une telle approche ne tient pas suffisamment compte de la pression que le congé-modification exerce sur l’employé-e. En particulier, la théorie selon laquelle l’employé-e se trouverait dans une situation de liberté contractuelle ne nous convainc pas, car la réalité sera trop souvent, ici, une situation de contrainte économique. Partant, de notre point de vue, les critères restreignant le droit d’injonction doivent, sous réserve de cas exceptionnels, s’appliquer aussi à une modification des contrats existants introduisant l’obligation de se vacciner.
Des exceptions sont possibles
Avant la pandémie, le monde juridique s’est souvent penché sur l’obligation de vacciner décrétée par l’employeur contre la grippe ou l’hépatite B. La tendance est de retenir que la vaccination peut être imposée dans des cas exceptionnels, en particulier pour sauvegarder les droits de tiers. L’exemple typique est celui du domaine médical ou des professions impliquant des contacts rapprochés avec des personnes vulnérables. Un refus de vaccination peut alors avoir des conséquences pouvant aller jusqu’au licenciement.
De manière générale, il est toutefois plus judicieux de bien informer les employé-e-s sur les avantages et les inconvénients d’une vaccination et ainsi les convaincre de se faire vacciner que de le leur imposer. Rappelons dans ce cadre que l’employeur est tenu de consulter ses employé-e-s avant de décider des mesures de protection de la santé qu’il souhaite prendre (art. 48 LTr).
Chaque situation doit être étudiée au cas par cas. Le service juridique d’Employés Suisse se tient à votre disposition par e-mail ou téléphone.
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