Consommer de la drogue pendant l'apprentissage – une raison de licenciement?
Marie Aoun est en deuxième année d'apprentissage. Ces derniers temps, son employeur n'est pas très satisfait de son travail. Marie arrive souvent en retard, oublie de faire le travail qui lui a été confié et donne parfois l'impression d'être absente. Son employeur l'envoie passer des tests chez le médecin d’entreprise et voir si elle consomme éventuellement de la drogue. Après le test, le médecin informe l'employeur que Marie a consommé des produits cannabiques. Du coup, ce dernier résilie son contrat d'apprentissage avec effet immédiat. Est-ce que Marie peut s'y opposer?
Dans le cas ci-dessus, deux questions nous intéressent en particulier. Premièrement employeur a –t-il le droit d'ordonner un test de dépistage de drogue? Deuxièmement: quelles sont les conditions pour qu'un contrat d'apprentissage puisse être résilié avant terme?
Le contrat d'apprentissage est un contrat de travail à durée déterminée avec une caractéristique particulière: ce n'est pas la performance au travail qui constitue le contenu essentiel du contrat, mais la formation. De plus, l'employeur a pour obligation explicite de protéger les apprentis, s’agissant là souvent de très jeunes gens. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer leur protection de leur vie, leur santé et leur intégrité personnelle.
Le dilemme
Il est évident que la consommation de drogue a des conséquences négatives sur la santé et qu'elle peut avoir une influence sur la performance de l'apprenti – il faudrait donc prendre des mesures. Toutefois, l'employeur ne doit pas seulement veiller à la santé de ses employés, il doit aussi respecter et protéger leur personnalité. Une ingérence dans les droits de la personnalité n'est autorisée que si l'employeur a des raisons justifiés de le faire et que l'ingérence répond aux principes de la proportionnalité. Il se trouve maintenant devant un dilemme: doit-il demander un test de dépistage de drogue ou non?
Il peut s’appuyer sur une récente décision prise par la Commission fédérale de la protection des données. Elle précise que - dans le cadre d'un concept global – un dépistage de drogue peut être ordonné dans la mesure où l'employeur a des soupçons fondés qu'un employé ou une employée a des problèmes de drogue, par exemple parce que la performance baisse ou que son comportement est suspect. Cependant,, la commission conclue aussi que le dépistage général de drogue auprès d'un nombre important d'employés ne présentant pas de raisons fondées s'avère une mesure disproportionnée, même si les employés ont donné leur accord de principe. Dans le cas de Marie Aoun, la situation est claire: l'employeur était autorisé à ordonner un test, car les soupçons étaient fondés.
La résiliation du contrat était abusive
Qu'en est-il donc de la résiliation avec effet immédiat du contrat d'apprentissage de Marie Aoun? Dans ce cas, l'employeur a eu une réaction disproportionnée et a agi de manière abusive. Le contrat d'apprentissage ne peut être résilié immédiatement que pour de justes motifs. Les raisons conduisant à une résiliation anticipée du contrat d'apprentissage sont beaucoup plus graves que celles conduisant à une résiliation immédiate des rapports de travail normaux. Le simple fait qu'une employée ait consommé des substances illégales pendant ses loisirs ne suffit pas pour résilier un contrat avec effet immédiat, et certainement pas si aucun avertissement n'a été prononcé au préalable. Marie Aoun doit donc absolument s'opposer à cette résiliation.